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un peu vulgaire, et celle de Leibnitz se concilie difficilement avec la liberté.

L'hypothèse de Cudworth ne fait que reculer la difficulté et ne la résout pas; car son médiateur plastique, mi-partie matière et mi-partie esprit, suppose la fusion des deux substances, c'est-à-dire ce qui est en question : c'est une hypothèse gratuite, et de plus une pétition de principe.

Euler, en reconnaissant l'influence physique, l'influence réelle de l'âme sur le corps et du corps sur l'âme, respecte le fait, mais ne l'explique pas.

Ce fait, tout incompréhensible qu'il est, peut cependant s'éclaircir, si l'on considère qu'il y a dans le corps deux choses distinctes, les organes et le mouvement des organes, et que le mouvement n'appartient pas à la matière. La matière se meut en vertu d'une ou de plusieurs forces qui maintiennent et dirigent le système moléculaire dont elle se compose; or cette cause ou cette pluralité de causes est immatérielle aussi bien que la force intelligente qui est unique; ce sont donc réellement des forces, c'est-à-dire des principes homogènes qui sont en contact dans le jeu simultané de l'âme et des organes; c'est la vie psychologique qui est en rapport avec la vie physiologique 1. Ce rapport se conçoit sans peine ; et il est si réel et si

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L'agrégation matérielle (le corps proprement dit) n'est qu'une sorte de vêtement que le principe vivant se compose et dont il s'enveloppe ». JOUFFROY. Mém. déjà cité ci-dessus, p. 89. Ce Mémoire, où sont établis les rapports et la nature de la vie psychologique et de la vie physiologique, est un modèle de discussion philosophique, remarquable par la nouveauté des vues, la sûreté des déductions et l'admirable clarté du langage.

intime, que ces deux vies tendent constamment à s'absorber, et que l'une se spiritualise et que l'autre se matérialise, si la volonté prend empire sur les sens ou si les sens dominent la volonté. Chez les hommes de volonté forte et de conscience pure, la vie organique est pour ainsi dire spiritualisée ; tandis que chez les esprits grossiers et sensuels, l'âme est en quelque sorte matérialisée, elle résume alors les organes, comme dans le cas contraire les organes résument l'esprit. Il y a, dans ces deux cas, une sorte d'assimilation qui n'est jamais complète, car les deux points extrêmes seraient l'ange et la brute, ce qui n'est jamais vrai de l'homme que métaphoriquement. La véritable difficulté ne porte done pas sur l'union de la vie psychologique à la vie physiologique, mais sur celle de la vie physiologique à la molécule organique. Cette difficulté paraît insoluble, quoiqu'on puisse à la rigueur considérer les molécules comme des forces déchues, des forces moins l'action, des forces inertes. Ces forces seraient, comme les forces vitales, une émanation de la substance infinie, qui peut toujours donner sans jamais s'appauvrir, parce qu'elle est infinie, et que d'ailleurs elle pénètre tous les êtres dont elle est le principe; de telle sorte que ses créatures si nombreuses, et de quelque nature qu'elles soient, ne peuvent jamais la limiter. La matière ainsi conçue n'aurait point d'existence absolue, et elle pourrait faire retour à la substance infinie par l'activité, comme elle en est sortie par l'inertie..

LOGIQUE.

1. De la Méthode.

XIX.

- 2. De l'Analyse et de la Synthèse.

I. De la Méthode.

La Psychologie a pour objet la connaissance de l'âme considérée dans ses divers états et dans ses opérations.

La Logique est l'art de diriger les facultés de l'âme, l'intelligence.

On entend par Méthode, la marche que suit la force intelligente dans la recherche et la démonstration de la vérité.

Les connaissances primitives de l'esprit, telles qu'elles nous sont données par l'exercice spontané de nos facultés, sont obscures et complexes, c'est la réflexion qui les rend claires et qui les ramène à leurs éléments.

Les notions qui nous sont fournies par la conscience et la perception externe, soit matérielle, soit immatérielle, deviennent l'objet de la réflexion qui procède par voie de décomposition et de recomposition: ces procédés de l'esprit reçoivent le nom de méthode.

Si l'esprit décomposait toujours sans jamais recom

poser, la notion complexe tomberait en poussière, et l'intelligence ne possèderait plus que des fragments au lieu des totalités que lui fournit l'observation : la réflexion, au lieu d'être un progrès, serait réellement une chute de l'intelligence; il faut, pour compléter son œuvre, qu'elle réunisse ces débris, et leur rende la vie en reconstruisant l'ensemble.

La première de ces opérations s'appelle Analyse; on donne à la seconde le nom de Synthèse.

2. De l'Analyse et de la Synthèse.

L'Analyse, livrée à ses propres forces, en répandant la lumière sur les détails pris isolément, obscurcirait et détruirait l'ensemble; elle opèrerait comme l'horloger qui démonte un chronomètre, et qui étale devant lui les rouages, les ressorts, le tambour, le cadran et les aiguilles. Toutes les parties de la montre subsistent, mais la montre ne fonctionne plus; il faut qu'une seconde opération rende le mouvement et la vie à ces membres épars cette opération c'est la Synthèse; mais la synthèse échouera si elle ne parvient pas à remettre en leur place tous les éléments que l'analyse a séparés ou si quelques-uns d'entre eux se sont égarés. On voit, par cet exemple, que la synthèse dépend de l'analyse, et qu'elle ne sera heureuse que si l'analyse a placé devant elle tous les éléments qu'elle doit mettre en œuvre.

L'analyse et la synthèse sont donc inséparables; ce ne sont pas deux méthodes, ce sont les deux moyens de la méthode.

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La méthode est donc l'art de décomposer et de recomposer les notions complexes de l'intelligence.

Les deux moyens qu'elle emploie trouveront leur place dans toutes ses œuvres, mais leur importance et leur rang varieront selon le but qu'elle se propo

sera.

Si la méthode a pour but la recherche de la vérité, elle débutera par l'analyse, et terminera par la synthèse.

Si au contraire elle a pour but la démonstration de la vérité, elle pourra, comme la nature, offrir d'abord une synthèse à l'intelligence qu'elle veut éclairer, et marcher ensuite à son but par l'analyse. Dans tous les cas, elle devra procéder du connu à l'inconnu, sans solution de continuité.

Cette différence dans l'emploi des moyens de la méthode, a amené la distinction habituelle entre la méthode analytique ou méthode d'invention, et la méthode synthétique ou méthode d'enseignement; mais il est bien clair que la méthode analytique n'exclut pas la synthèse, et que la méthode synthétique laisse une place à l'analyse ; seulement, dans ces deux cas, l'une est subordonnée à l'autre, et celle qui joue le premier rôle donne son nom à toute la série des opérations.

Il faut remarquer cependant que, dans les deux cas, le point de départ est une synthèse; synthèse naturelle, ou l'objet qu'on étudie dans la méthode d'invention; synthèse intellectuelle, résultat de l'analyse dans la méthode d'enseignement. Ainsi la science

G. Philos.

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