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lonté. La sensibilité morale se manifeste ensuite, et elle attend pour se développer les progrès de l'intelligence et la venue de la raison.

IX.

1. De la faculté de connaître, ou de la raison. 2. Caractère propre de cette faculté.

1. De la faculté de connaitre ou de la raison. Sentir, connaître et vouloir, sont trois faits distincts qui se confondent dans l'unité de la substance qu'ils manifestent. Autre chose est le sentiment, autre chose la connaissance, autre chose la volonté. Émotion, notion, volition: ces trois mots, qui réveillent en nous une idée différente, résument l'âme tout entière, la conscience les atteste tous trois et les distingue. Le sentiment et la volonté sont objets de connaissance, de sorte que la faculté de connaître embrasse, dans toutes ses manifestations, le sujet sensible, intelligent et libre. La pensée atteint donc tous les phénomènes du monde intérieur; mais ce n'est pas là toute sa portée, elle embrasse aussi le monde extérieur, physique et métaphysique. Nous avons déjà dit qu'elle atteignait le moi par la conscience, le non-moi physique par les sens, et le non-moi métaphysique ou immatériel par la raison, qu'on appelle aussi raison intuitive; mais il ne faut pas oublier que ces trois mots, sens intime ou conscience, sens ou sens externe et raison, ne désignent qu'un seul et même sujet; la conscience, c'est l'âme se connaissant

elle-même; les sens externes, c'est l'âme connaissant le non-moi externe physique; la raison, c'est l'âme connaissant le non-moi externe métaphysique.Comme tous les faits de l'intelligence tombent en dernier ressort sous l'œil de la conscience, parce que l'âme conserve les notions une fois acquises, on a souvent confondu la notion et l'objet; de ce que la notion survit à la présence de l'objet, et qu'elle devient ellemême objective par la conscience, on a conclu témérairement que nous ne connaissions les objets que par l'idée. Cette conséquence illégitime a jeté le doute sur la réalité objective et sur l'idée elle-même ; c'est que, comme l'a dit M. Royer-Collard, on ne fait point sa part au scepticisme; dès qu'il a pénétré dans l'entendement, il l'envahit tout entier.

Il faut reconnaître que l'âme se connaît elle-même, et qu'elle connaît hors d'elle le monde des réalités sensibles et celui des réalités invisibles; il faut admettre qu'elle est en communication directe avec le moi et le non-moi : mais prétendre expliquer le comment de ce commerce mystérieux, c'est se poser un problème insoluble. Je sais que je souffre, que je connais, que je veux; mais comment le sais-je? je l'ignore complètement : j'appelle conscience, la vue intérieure ; perception, la vue extérieure physique; raison, la vue extérieure métaphysique; mais je ne puis dire, et personne plus que moi, ce que c'est que la vue. Je ne veux pas même me poser cette terrible question, car je sens qu'elle met mon intelligence en péril, qu'elle confond ma pensée, et qu'elle donne

le vertige à ma faible raison; mais je vois, et j'en rends grâce à Dieu, je reconnais qu'il m'a donné le pouvoir de me connaître, ainsi que la nature et luimême ; et je ne me sens pas la force de nier, ni Dieu, ni la nature, ni l'âme humaine, parce que je ne sais pas, et que je suis condamné, au moins sur cette terre, à ne jamais savoir comment je connais tout cela. L'éblouissement, a dit Montaigne, est au bout de toutes nos recherches, c'est à nous de nous arrêter où l'éblouissement commence.

La faculté de connaître, dans son acception la plus étendue, prend le nom générique de raison ou d'intelligence; elle se décompose selon les divers moyens de connaître, et selon les divers objets de connaissance, comme nous l'avons dit précédemment; nous verrons plus bas qu'on la divise encore d'après les procédés qu'elle emploie pour développer ou restreindre les notions primitives. Nous ferons connaître ces procédés, lorsque nous nous occuperons du jugement, du raisonnement, de l'abstraction, de la généralisation et de l'association des idées : tous ces faits, qui répondent à autant de facultés ou de puissances de l'âme, seront successivement éclaircis.

2. Caractère propre de cette faculté.

La connaissance influe sur la volonté en lui fournissant des motifs d'action, et sur la sensibilité par les idées qui la sollicitent, l'excitent et la répriment; mais, quoiqu'elle soit intimement mêlée à ces facultés, elle s'en distingue par un caractère spécial. Les

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phénomènes de sensibilité, soit qu'elle les ait provoqués, soit qu'ils relèvent d'un autre principe agissent à leur tour sur elle, en contrariant ses opérations ou en donnant à ses actes une impulsion et une direction nouvelle, comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent; mais nous le répétons, elle se distingue de la sensibilité qu'elle atteint comme objet de connaissance, et qui n'est principe d'idée que pour son propre compte; car l'émotion, la douleur, l'affection physique, morale ou intellectuelle ; le sentiment, en un mot, dans son sens le plus large, n'engendre point d'autre idée que celle du sentiment. Le sentiment, lorsqu'il devient distinct, est connu comme sentiment, il devient idée de sentiment, et pas autre chose. La volonté agit aussi directement sur l'intelligence qui participe de sa langueur et de son énergie; mais quelle que soit l'influence de la sensibilité et de la volonté sur l'intelligence, quelque intime que soit le commerce qui les unit par voie d'action et de réaction constantes, l'esprit distingue réellement la perception de tout ce qui n'est pas elle, et il ne confond pas les émotions de la sensibilité, et les déterminations de la volonté avec les notions de l'intelligence.

X.

1. Des facultés qui se rapportent à la faculté généde connaître. 2. De la Conscience. 3. De l'Altention.

rale

1. Des facultés qui se rapportent à la faculté générale

de connaître.

La faculté de connaître, la raison ou l'intelligence ne s'exerce pas uniformément; nous avons vu comment elle entrait en rapport avec elle-même et avec le monde physique et le monde matériel; nous avons maintenant à l'analyser dans ses divers modes d'action nous commencerons par la conscience.

2. De la Conscience.

La Conscience ou le sens intime est, comme nous l'avons dit, la vue intérieure; c'est l'âme prenant connaissance de ses états et de ses opérations. Nous avons vu précédemment que cette faculté était primitive, nous l'avons constatée sans prétendre à l'expliquer. L'âme se connaît comme force sensible, intelligente et libre; non-seulement elle sent, connaît et veut, mais elle sait tout cela, elle a conscience de ses émotions, de ses idées et de ses déterminations. Si elle ignorait ses états et ses opérations, elle existerait au même titre que les forces aveugles qui vivent sans avoir le sentiment de la vie, elle serait chose et non personne, elle ne se posséderait pas, elle n'aurait pas d'action sur elle-même. C'est ce qui lui arrive à un

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