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Mais cette explication, qui est loin de satisfaire l'esprit, puisque nous ne saurions nous confondre avec le temps et l'espace, ni les concevoir comme des actes personnels, a d'ailleurs l'inconvénient de ne pas s'appliquer à la notion de cause absolue ou de Dieu, dont l'objectivité n'est pas contestée par le célèbre philosophe allemand.

On ne saurait donc nier légitimement les notions de la raison, on ne peut pas davantage les ramener à la perception externe étendue et développée par la généralisation et le raisonnement, ni les subjectiver; il faut donc les rapporter à une faculté distincte et tenter de les expliquer.

Suivant Platon, les objets de ces notions sont les idées éternelles d'après lesquelles Dieu a formé le monde ; elles sont les modèles, les principes des choses que nous voyons ici-bas. L'âme les a connues avant d'être unie au corps, lorsqu'elle était encore au sein de la substance universelle, et elle se les rappelle dans cette vie à propos des objets matériels qui en sont une image effacée : c'est donc par réminiscence qu'elle retrouve ces notions sublimes. Descartes regarde ces notions comme innées.

Il est plus simple de les rapporter à une faculté de connaître, innée comme toutes les facultés, et qui entre en exercice à propos des connaissances que fournit soit la conscience, soit la perception physique.

Mais il reste à résoudre une immense difficulté, savoir où l'âme saisit l'objet de ces notions. Quant

:

à l'objet lui-même, évidemment c'est Dieu; car tout ce qui a le caractère d'infini, de nécessaire, d'absolu, est Dieu, ou bien il y aurait plusieurs dieux. Le temps, c'est la durée de Dieu; l'espace, c'est l'étendue de Dieu; la justice absolue, la beauté absolue, c'est la justice et la beauté de Dieu.

Si l'analogie était un guide infaillible, on pourrait conclure que puisque l'âme a jour sur elle-même par la conscience, sur la nature par les sens physiques, elle a jour sur Dieu par la raison. C'est au moins le soupçon de Mallebranche, qui l'a étendu, à tort, à toutes nos connaissances: mais comment s'y livrer et surtout l'avouer après ce vers si réjouis

sant :

Lui qui voit tout en Dieu, n'y voit pas qu'il est fou.

C'est sur les données de la conscience de la perception et de la raison, tenues en dépôt par la mémoire, que s'exercent les facultés de l'intelligence, l'attention, le jugement, le raisonnement, l'abstraction, la généralisation ces facultés éclaircissent, combinent et développent les éléments de la pensée.

2. Prendre pour exemples quelques-unes des plus importantes de nos idées.

Les idées que renferme l'intelligence humaine, ne sont pas le produit d'une de ces facultés isolées; les divers éléments dont elles se composent se rattachent à des facultés différentes ces éléments forment un

tout complexe qu'il faut décomposer si l'on veut en déterminer avec précision l'origine et la formation.

Si l'on veut remonter à l'origine et à la formation de l'idée d'homme telle que nous la trouvons dans notre intelligence, il faudra d'abord en analyser la compréhension. Nous trouverons ainsi que la conscience, la perception externe, la raison, le jugement, le raisonnement, l'abstraction ont apporté quelque portion des matériaux dont l'ensemble forme l'idée complexe d'homme.

L'idée de Dieu a sa base dans la conscience, et son couronnement dans la raison. La perception externe qui nous fait connaître la nature extérieure et l'harmonieux ensemble de ses parties, a contribué à nous révéler quelques-uns des attributs de la puissance infinie; le raisonnement a déduit de la notion d'infini donnée par la raison, les divers attributs qui découlent de cette notion.

Ainsi nous trouvons à l'origine de toutes les idées, l'activité de l'esprit sollicitée par les divers objets qui tombent sous la conscience, sous les sens et sous la raison, et nous reconnaissons qu'elles se forment par le jeu des facultés innées de la force intelligente.

La faculté de connaître une et identique en substance, se divise selon les objets qu'elle atteint et ses modes d'activité. L'idée, quelle qu'elle soit, est un acte de l'esprit et n'a point de réalité en dehors du sujet qui la produit, elle ne varie que dans son objet et dans les circonstances de sa formation.

VII.

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1. Donner une théorie des facultés de l'âme. 2. Qu'est-ce que déterminer l'existence d'une faculté ?

1. Donner une théorie des facultés de l'âme.

L'analyse de la conscience nous a montré l'âme comme une force douée de sensibilité, d'intelligence et d'activité c'est sous ce triple aspect qu'elle s'est offerte à nos regards.

Ces trois manifestations de l'àme, ou ces trois personnes de l'unité psychologique, sont les attributs d'une seule substance; il n'y a pas un sujet qui sente, un autre qui comprenne, un autre qui agisse : c'est le même sujet se manifestant par des phénomènes divers et non opposés. La sensibilité, l'intelligence et l'activité ne sont jamais isolées, le même fait les met toutes trois en évidence. La sensibilité et l'intelligence peuvent se développer sans liberté, mais non sans activité. Si on les considère isolément, c'est par une abstraction de l'esprit, et pour rendre plus facile l'étude des phénomènes qui les rendent sensibles. Si l'on ne se pénétrait pas bien de cette vérité, on risquerait de prêter une réalité ontologique à des êtres de raison, et de créer, à l'exemple des scolastiques, des entités chimériques.

Le fait psychologique le plus simple, la sensation par exemple; suppose ce triple développement de l'âme. En effet, la sensation n'est telle qu'à condition

que le sujet sentant se connaisse sentant, et il ne peut se connaître sentant que par un acte. Il est impossible d'assigner l'ordre chronologique de ces trois phases d'un même fait; leur succession, s'il y a succession, est si rapide qu'elle échappe à l'observation, et que la mémoire n'en conserve pas de traces. Il y a simultanéité pour la conscience, l'analyse seule atteint la multiplicité dans l'unité, et le raisonnement essaie d'établir une hiérarchie. La sensation n'existe psychologiquement que lorsqu'elle tombe sous la conscience, et elle ne peut tomber sous la conscience que lorsque l'activité de l'esprit s'est déployée. Ce que nous disons de la sensation s'appliquera, à plus forte raison, à tous les autres phénomènes psychologiques; et s'il est si difficile de scinder ce fait qui paraît complexe, c'est que la division que nous en faisons est purement artificielle. Dans sa réalité, la sensation est une; le déploiement le plus simple de l'âme la manifeste simultanément comme sensible, intelligente et active, parce quelle est dans la réalité essentiellement et indivisément active, sensible et. intelligente.

Mais l'âme se déploie instinctivement ou librement; elle est tantôt esclave de l'instinct, tantôt maîtresse d'elle-même; elle obéit à une impulsion fatale, ou à sa propre direction, dans les limites de sa liberté. Dans tous les cas, elle sent, elle agit et elle sait. Son plus noble privilége est de modifier, par sa propre vertų, sa sensibilité, son intelligence et son activité : elle ne prend pas d'abord cette puis

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