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tion des grands problèmes de la vie abandonnée à l'inspiration dans les premiers âges du monde, entre dans le domaine de la réflexion. La théologie relève de Dieu, par voie d'inspiration ou de révélation; la philosophie relève de l'esprit humain : c'est l'homme essayant d'embrasser par la réflexion, par les seules forces de la pensée indépendante, Dieu, la nature et lui-même.

La première tentative de ce genre, en laissant de côté tout ce qu'avait tenté l'Orient', se manifeste à

La philosophie orientale, malgré l'importance des travaux de l'érudition moderne, ne nous est qu'imparfaitement dévoilée. Les Essais de M. Colebrooke font plutôt connaître la substance que l'ordre des systèmes philosophiques. A défaut d'une chronologie rigoureuse, M. Cousin a établi par induction la filiation de ces divers systèmes. Voici en peu de mots le résumé des savantes investigations de l'orientaliste anglais et des brillantes conjectures du philosophe français, tel que l'a tracé M. Charma, mon condisciple et mon ami. « Nous reconnaissons dans le développement progressif de la pensée religieuse et philosophique de l'Inde trois moments distincts. La première période, uniforme comme tout ce qui est esclave, porte un caractère purement théologique. Le dieu incontesté, universellement admis de ces temps reculés, ne peut être compris dans aucune conception humaine. Au commencement, il se reposait plongé dans la contemplation de lui-même. Depuis, sa parole féconde a tiré de son sein, par une série d'émanations continuelles, tous les êtres que par son action constante elle maintient et transforme. Comme créateur, c'est Brahma; comme conservateur, Vichnou; comme destructeur et rénovateur des formes matérielles, Siva: telle est la Trinité ou Trimourti de l'Inde. Émanée de la substance divine, l'âme humaine, comme tout ce qui est, enferme en elle quelque chose de Dieu. Elle préexiste à la vic actuelle et lui survivra. L'existence, telle

nous par les noms de Thalès et de Pythagore; ces deux puissants génies ouvrent la voie et tracent la route du spiritualisme et du sensualisme dont ils sont

que nous la connaissons ici-bas, est pour elle une chute, la terre, un lieu d'exil. Avant de se relever et de rentrer dans sa céleste patrie, elle est condamnée à rester sur cette terre de douleurs jusqu'à ce qu'elle ait effacé complètement sa faute originelle, passant d'un corps dans un autre, d'autant mieux partagée sous ce rapport que sa vie antérieure a été plus pure, d'autant plus durement traitée qu'elle a plus mal vécu. La métempsychose appartient aux Hindous. Les monuments écrits de cette théologie sont les Védas (livres sacrés dont la rédaction est attribuée à Vyasa, auteur présumé des Pouranas, légendes sacrées qui comprennent la théogonie et la cosmogonie mythologique.) — Dans la période suivante, la pensée, qui jusque-là n'avait fait que répéter, écho fidèle, les vérités déposées dans les livres saints, s'élève au commentaire : c'est un commencement d'émancipation. Interpréter, c'est, il est vrai, développer et éclairer avant tout une pensée étrangère; mais enfin, c'est déjà 'penser et réfléchir. La Mímánsá (ou doctrine) de DJAIMINI, a pour but de déterminer le sens de la révélation. La Mîmânsâ, c'est la scolastique des Hindous. Quand enfin le Luther de l'Inde, Bouddha, vient donner à la réflexion le signal de l'indépendance, le mouvement et la variété se substituent à cette unité immobile. Les systèmes les plus opposés se produisent. Le Védánta de Vrass, déduit des Védas la négation du monde matériel. La Nyaya de Gôtoмa est une logique dans laquelle nous trouvons le syllogisme indiqué à peu près sous sa forme propre. Le Vaiséchika de KAN A DA soutient la doctrine des atômes. Le Sankhya de KAPILA est matérialiste et athée ; il attaque la réalité de la notion de cause; il établit que rien ne peut sortir de rien. Enfin le mysticisme le plus complet se trouve déjà dans le Sankhya de PATANDJALI. » — On trouvera des notions exactes et développées sur les systèmes philosophiques de l'Inde, de la Chine, de la Perse, de l'Égypte et de la Phénicie, dans le précis de l'Histoire de la Philosophie, par MM. de Salinis et de Scorbiac.

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les premiers représentants; le mouvement qu'ils impriment à la pensée se continue sans interruption pendant près de deux cents ans. Tous les philosophes qui remplissent cette période, marchent sur leurs traces et suivent l'impulsion qu'ils ont donnée. Les contradictions de ces écoles amenèrent le scepticisme des sophistes, qui mettait en péril toutes les croyances nécessaires à la vie morale et intellectuelle de l'homme. Le bon sens revendiqua ses droits par la voix de Socrate, et cette protestation ramena la pensée dans les voies qu'elle avait quittées : ce fut une révolution.

Il est donc naturel de placer Socrate à la tête d'une époque, et de rattacher à l'impulsion qu'il a donnée, les mouvements ultérieurs de la philosophie. Ce mouvement, commencé à Athènes quatre cents ans avant J. C., ne s'arrête que six cents ans après l'ère chrétienne à Alexandrie, par le triomphe d'une théologie nouvelle qui asservit toutes les intelligences, en imposant d'autorité la solution de tous les problèmes que la philosophie avait remués pendant le cours de dix siècles. Cette seconde époque peut se subdiviser, mais on n'y trouve pas, dans le cours de la pensée, de solution de continuité, ni de retour assez important pour en faire un point de repos, une véritable époque historique. Toutes les écoles qui remplissent ce long intervalle, se rattachent à Platon et à Aristote, principaux disciples de Socrate, qui sont dans cette période, ce que Thalès et Pythagore avaient été dans le grand mouvement philosophique interrompu et repris par la réaction et l'initiative de Socrate.

Les efforts de la pensée humaine sous les entraves de la théologie, ont un caractère spécial qui sépare l'époque où ils se produisirent des temps antérieurs et de ceux qui suivirent, lorsque la pensée eut reconquis son indépendance et subordonné la théologie à la philosophie. Le règne de la scolastique forme donc une époque distincte : ce sera pour nous une troisième époque de l'histoire de la philosophie. Quoique pendant le cours du quinzième et du seizième siècles, il y ait eu une sorte de renaissance philosophique analogue à celle des beaux-arts et de la poésie, comme ce mouvement n'est qu'un contre-coup de la philosophie grecque, une sorte d'imitation classique, nous signalons seulement ces efforts comme un progrès d'émancipation philosophique, sans cependant les détacher absolument de l'époque scolastique.

Bacon et Descartes, qui reproduisent au commencement du dix-septième siècle la double impulsion qui signala le début de la philosophie sous Thalès et Pythagore, et sa rénovation sous Platon et Aristote, seront les premiers représentants de la quatrième époque philosophique. Le mouvement qu'ils ont imprimé se continue jusqu'à nos jours, et tous les philosophes qui se sont produits dans le cours du dixseptième et du dix-huitième siècle, se rattachent à l'un ou à l'autre de ces deux philosophes; Bacon relève de Thalès et même d'Aristote, malgré le mépris qu'il professe pour ce dernier dont il ne connaissait guère les ouvrages que par la funeste influence que leur avaient donnée les commentaires des Arabes

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et le faux esprit de la scolastique; Descartes se rattache de même à Pythagore et à Platon, et, comme ces deux philosophes, il est le chef naturel de toutes les écoles qui ont subordonné le monde des sens au monde des idées, et la nature à Dieu.

XLIII

Faire connaître les principales écoles de la Philosophie grecque avant Socrate.

La première époque de la Philosophie grecque ouverte par Thalès et par Pythagore, se partage entre les deux grandes écoles dont ils furent les chefs: 1o la secte Ionienne, fondée par Thalès et renouvelée par Anaxagore; 2° celle d'Italie, fondée par Pythagore, d'où découlent 3o les deux écoles d'Elée ; 4° les Sophistes vinrent ensuite, et formèrent la première école de scepticisme.

1° École d'Ionie.

Thales de Milet, né 640 ans avant J. C., jeta les premiers fondements de la philosophie. Il essaya de substituer un système de physique aux anciennes cosmogonies poétiques et mythologiques; il voulut expliquer la nature par la nature; il ne chercha que le principe des choses et non le principe de l'existence des choses, et il le chercha dans l'ordre des objets matériels et sensibles; dès lors il ne put expliquer l'univers que par la conversion successive des éléments en une foule d'autres substances. L'eau fut

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