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mobile qui dirige les leurs, tandis que ceux qui ont pour habitude de prendre pour règle leurs passions et leur intérêt, ramènent aux mêmes principes les actions d'autrui. Il n'y a que Celui qui sonde les cœurs et les reins, qui connaisse au vrai la valeur morale de toutes les actions.

2. Des Peines et des Récompenses.

L'idée de justice fournie par la raison, nous montre que la vertu a droit à une récompense, et que le vice appelle un châtiment : c'est là un principe, un axiôme de morale que nous admettons forcément en vertu de la raison et non par déduction. Si l'on demande pourquoi la vertu appelle une récompense et le vice un châtiment, il n'y a rien à répondre, sinon que cela est ainsi.

La satisfaction morale est la première et la plus douce récompense de la vertu, le remords est le premier châtiment du crime. Ces récompenses et ces peines intérieures ne sont pas les seules, l'estime de nos semblables s'ajoute à l'estime de nous-mêmes et la redouble, de même que le mépris et la haine s'ajoutent aux remords; si ces peines et ces récompenses étaient toujours en raison directe du mérite et du démérite, la morale aurait sa sanction sur la terre, et la justice y serait satisfaite; nous n'aurions dès lors aucune raison philosophique de croire à la durée ultérieure de la personne humaine : le règne de Dieu étant sans partage sur la terre, on ne voit pas ce que nous aurions à lui demander en la quittant; il nous

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doit justice et non faveur ; or la justice, si les choses allaient de ce pas, serait satisfaite à tous les instants de la durée, puisque le vice et la vertu auraient eu récompense et peine immédiate et proportionnelle. Mais il n'en va pas ainsi; la joie du sacrifice n'est pas sans mélange, la satisfaction qu'inspire la pratique du bien s'affaiblit par l'habitude, comme le remords, qui ne châtie guère en raison de leurs méfaits que les criminels novices; l'estime d'autrui ne s'ajoute pas toujours à la conscience du bien, les intentions les plus pures sont calomniées, et l'histoire nous montre que les plus nobles apôtres de la vertu ont souvent recueilli en retour de leurs efforts, la haine et la calomnie, tandis que le vice, secondé par la fortune et la corruption des mœurs, a joui trop souvent des hommages de la foule et de la considération publique. Ces anomalies apparentes ont leur raison dans la nature même de l'homme et dans le but de la vie ; elles sont les conditions mêmes du vice et de la vertu; car si les choses étaient réglées de telle sorte que le vice fût constamment puni et la vertu récompensée, il suffirait d'un calcul grossier pour nous retenir dans les voies du bien, et nous y resterions sans mérite; nous serions au niveau des autres forces de la nature, qui accomplissent sans effort la loi de leur être, sans que nous puissions attribuer un caractère moral à leurs mouvements et à leurs révolutions.

3. De la Sanction de la Morale.

La Sanction de la Morale est donc dans la peine et dans la récompense; mais comme la peine et la récompense ne sont pas équitablement réparties pendant le cours de notre vie terrestre, nous attendons avec confiance une vie meilleure après les épreuves d'ici-bas; et, forts des sentiments de justice que la nature a mis au fond de nos cœurs pour en faire la règle de nos actions, nous portons nos espérances au delà de la terre, nous appelons une sanction nouvelle et complète qui règle définitivement les comptes du vice et de la vertu.

Abstulit hunc tandem Rufini
Absolvitque Deos. Claud.

XXXIII.

pœna tumultum

1. Division des Devoirs. - 2. Morale individuelle ou Devoirs de l'homme envers lui-même.

1. Division des Devoirs.

Nous avons vu que l'homme était une force sensible, intelligente et libre, en contact avec un système de forces organiques qu'on appelle le corps, et uni par une foule de rapports avec des forces égales, inférieures et supérieures: de ces divers rapports naissent des Devoirs dont la connaissance est l'objet de la morale qui se divise en Morale individuelle, Morale sociale et Morale religieuse.

Nous devons donc d'abord considérer l'homme isolément et voir ce qu'il se doit à lui-même, et

ensuite ce qu'il doit à ses semblables, et enfin ce qu'il doit à l'Etre Suprême dont il est émané.

2. Morale individuelle ou Devoirs de l'homme envers lui-même.

L'homme pris isolément a des devoirs envers son âme et envers son corps; il doit les conserver et les développer dans le sens de leur nature.

L'âme est triple dans son unité; sensible, intelligente et libre, elle doit tendre par cette triple voie à la fin qui lui a été marquée par la Providence. L'homme ne doit donc mutiler ni sa sensibilité, son intelligence, ni sa liberté, mais les faire concourir à l'accomplissement de la loi.

ni

La sensibilité physique avertit l'homme des besoins dont la satisfaction est nécessaire au bien-être et à la conservation du corps; mais comme la satisfaction des appétits physiques est accompagnée de plaisir, il arrive souvent que, pour renouveler et aviver les sensations agréables qu'il éprouve, l'homme pousse ses désirs au delà du besoin réel, et poursuit comme but la jouissance, qui est l'avertissement et la récompense de l'accomplissement de la loi : il y a dès lors excès et violation de la loi. La fatigue, la tristesse et le dégoût l'avertissent alors qu'il a dépassé le but; s'il se laisse aller dans cette voic, il se déprave rapidement; le plaisir physique, c'est-à-dire la plus grossière volupté devient sa loi et asservit à ses caprices les plus nobles facultés de son être; la recherche des jouissances matérielles le détourne des travaux de

l'esprit, et le fait déchoir de la liberté par laquelle il est placé au-dessus des animaux ; son intelligence s'obscurcit et s'appesantit, et l'habitude de céder aux sollicitations de la chair lui enlève peu à peu la puissance d'y résister. Lorsque la sensibilité physique s'est asservi les autres facultés de l'âme, elle ne tarde pas à les absorber presque complètement: ce n'est pas tout; comme elle s'émousse elle-même par l'habitude des jouissances, elle appelle chaque jour des excitations plus vives, qui, cessant bientôt de la satisfaire, la forcent de recourir à des causes d'irritation plus énergiques; ces excitations l'épuisent dans sa source, et la poussent à une destruction rapide à travers des convulsions qui la dénaturent et finissent par la briser. L'âme a droit, par sa nature, à une certaine somme de plaisir proportionnée à sa force c'est là son revenu légitime; si elle le dépasse, elle prend sur le fond et se ruine. Si l'on veut y réfléchir, on verra que ces excès de la sensibilité physique conduisent au suicide par le dégoût, ou à une mort prématurée en jetant le trouble dans les organes de la vie ces désordres indiquent la limite que la sensibilité physique ne peut pas franchir sans manquer à sa vocation.

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Les plaisirs de l'esprit, et les plaisirs du cœur ou la sensibilité intellectuelle et morale ont aussi leurs limites qu'il faut respecter cette intempérance n'est pas à placer sur la même ligne que celle des sens, mais elle est coupable, elle viole la loi, et elle a sa sanction dans l'affaiblissement de l'esprit et l'éner

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